Le nouveau Musée canadien de la guerre: message du directeur

Bienvenue sur le site du nouveau Musée canadien de la guerre (MCG). Le nouveau Musée sera construit aux plaines LeBreton, au coeur de la région de la capitale nationale. Le Musée, dont la mission est de faire connaître l’histoire militaire du Canada, de la préserver et de la commémorer, sensibilisera les visiteurs au rôle important qu’ont joué les activités militaires dans l’histoire du pays. Affilié à la Société du Musée canadien des civilisations, il deviendra un ensemble de ressources précieuses pour l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens.

Une visite du site vous permettra de voir le concept architectural produit par l’équipe d’architectes Moriyama & Teshima Architects, de Toronto, et Griffiths Rankin Cook, d’Ottawa. Ce concept a été dévoilé en août 2002, lors d’une présentation au Musée canadien des civilisations, à Hull. Le thème du concept architectural est ” régénération “. ” La nature peut être défigurée par des actes humains de guerre mais, inévitablement, elle s’hybride, se régénère et reprend sa prédominance “, a expliqué l’architecte principal, Raymond Moriyama. ” Ce Musée est un hommage à notre passé militaire et aux énormes sacrifices et aux efforts fournis par l’ensemble des Canadiens et Canadiennes en temps de guerre, de même qu’il reconnaît la liberté et la démocratie dont nous bénéficions grâce aux sacrifices consentis par les hommes et les femmes qui ont servi notre pays “.

Le nouveau Musée canadien de la guerre, septembre 2003
Le nouveau Musée canadien de la guerre,
Septembre 2003

Les employés du MCG et du Musée canadien des civilisations ont travaillé, en collaboration avec l’équipe d’architectes et l’équipe de conception d’exposition, Haley Sharpe Associates, de Leicester, en Angleterre, et l’Origin Studios, d’Ottawa, à l’élaboration d’exposition du nouvel établissement. La vision et l’engagement de ces équipes donneront lieu à une admirable vitrine d’exposition de l’histoire militaire du pays.

Le 5 novembre 2002, le premier ministre du Canada, monsieur Jean Chrétien, et la ministre du Patrimoine canadien, madame Sheila Copps, ont procédé à la première pelletée de terre aux plaines LeBreton. Cet événement marquait le lancement officiel des travaux de construction du nouveau MCG. Au cours des mois subséquents, la construction a progressé très rapidement. Au moment où nous écrivons ces lignes, 85 % du stationnement souterrain est creusé et 15 % des soles du garage sont posées. On a commencé à installer les soles de l’ascenseur du garage en décembre. Deux grues ont été érigées sur le site, et des installations électriques temporaires, une voie de service, des remorques et des pompes pour éliminer l’eau souterraine durant les travaux d’excavation sont en place.

Les visiteurs auront accès à plus de 65 pour 100 de l’espace intérieur des nouveaux locaux. Cette grande accessibilité est unique : dans les principaux musées du monde entier, ce pourcentage se situe en effet entre 35 et 40 pour 100. En réservant 4200 mètres carrés (45 000 pieds carrés) aux expositions permanentes et temporaires – près de deux fois plus que sa capacité d’exposition actuelle -, le Musée augmente donc l’espace consacré aux présentations d’histoires personnelles, aux références géographiques et aux autres liens, ce qui aidera les visiteurs à mieux comprendre le passé militaire du Canada et à l’apprécier davantage. En outre, le nouveau MCG abritera un centre de recherche, incluant une bibliothèque et des archives, des salles de classes et d’autres installations éducatives, ainsi que des lieux d’exposition en plein air. Fidèle à son désir d’étendre ses activités de diffusion externe et ses activités éducatives, le nouveau Musée élargira ses programmes éducatifs qui, notamment, permettent aux élèves de manipuler les casques en métal et de sentir la rugosité des uniformes en lainage, d’entendre des témoignages d’anciens combattants canadiens et de constater la vaillance et le courage de Canadiennes et de Canadiens dans la Salle des distinctions honorifiques.

Tout en poursuivant le développement de ses nouvelles installations, de sa salle d’art, de ses programmes publics, de ses publications et d’autres projets, le nouveau Musée travaillera à augmenter et à diversifier sa clientèle. Il marquera également certains événements et anniversaires militaires en plus de permettre une exploration approfondie tant de l’histoire militaire canadienne que celle touchant à des thèmes militaires internationaux et universels.

L’ouverture de ce nouveau Musée assurera enfin la conservation de précieuses collections nationales dans un milieu où l’ambiance est contrôlée, favorisant ainsi la préservation adéquate du patrimoine militaire du Canada pour le bénéfice des générations futures. Confort et commodité seront offerts aux visiteurs grâce à l’amélioration de certaines composantes, depuis les services de restauration et un parc de stationnement plus vastes jusqu’à l’accès complet des lieux pour les personnes handicapées. Je dois également souligner que notre campagne Passons le flambeau, la campagne de collecte de fonds pour le nouveau Musée canadien de la guerre, dirigée par le général à la retraite Paul Manson et les Amis du Musée canadien de la guerre, a permis d’amasser, à ce jour, 13 des 15 millions de dollars visés. Les derniers efforts sont présentement déployés dans le but d’atteindre cet objectif.

Je dois également souligner que notre campagne Passons le flambeau, la campagne de collecte de fonds pour le nouveau Musée canadien de la guerre, dirigée par le général à la retraite Paul Manson et les Amis du Musée canadien de la guerre, a permis d’amasser, à ce jour, plus de 14 des 15 millions de dollars visés. Les derniers efforts sont présentement déployés dans le but d’atteindre cet objectif.

Tout nous permet de croire que nous pourrons commencer à déménager nos employés, nos collections et tout ce qui concerne nos expositions dans le nouveau bâtiment à l’automne 2004. Votre soutien indéfectible nous a permis de garantir que notre nouvelle synopsis évoque l’histoire militaire du Canada d’une façon intéressante pour les visiteurs de tous les âges. Votre aide nous a permis de construire des locaux d’une très grande qualité pour les nouvelles générations de visiteurs, et nous aidera à donner vie à l’histoire militaire, que nous partageons comme il ne nous a pas été possible de le faire jusqu’à maintenant. Sans vous, ce projet n’aurait peut-être jamais pu aller aussi loin et nous espérons vous accueillir dans votre nouveau Musée canadien de la guerre lorsqu’il ouvrira en mai 2005.

“Le maniérisme, ou la Renaissance à son paroxysme”. Racines, caractères stylistiques et artistes de ce courant.

Ainsi que l’on peut l’établir historiquement, se dessine à la fin de chaque courant stylistique, une saturation.

Cette saturation se fait jour dans une adaptation extrême sinon exagérée des concepts stylistiques à l’image qu’ils présentent à leur point culminant.

Pour comprendre le caractère propre du maniérisme et sa façon de faire, nous devons examiner les racines dans lesquelles il trouve son origine, et donner un bref aperçu des mouvements et des artistes qui travaillaient à ce moment.

La Renaissance prend son origine à Florence et y vit sa première floraison. Au nord des Alpes, la tradition médiévale continue jusqu’à la fin du 15ième siècle, début du 16ième. Le Nord se laisse d’abord inspirer par les motifs décoratifs, ensuite par le principe du disegno.

Le maniérisme succède à la Renaissance :

– La Première Renaissance désigne l’art de Florence entre 1400 et 1500 (Quattrocento – XV° siècle)

– La Haute Renaissance (Cinquecento), 1490-1530, fait référence aux arts de la Rome papale, de Florence et de la République de Venise, et est une période d’équilibre suivi par :

– la Renaissance Tardive et le Maniérisme, terme de l’italien maniera qui signifie style, plus au moins entre 1530 et 1600, pour être suivi par le Baroque de 1600 à 1750, année de la mort du compositeur Johan Sébastien Bach.

Equilibre et proportions sont les mots clefs de la Renaissance. La société évolue de l’idée théosophique vers le concept d’une société anthroposophique. L’homme prend sa place au centre de l’univers.

La Première Renaissance

Les peintres qui ont donné visage et image à La Première Renaissance sont -en ordre chronologique et en mentionnant expressément les peintres les plus importants connus par l’histoire de l’art :
– à la première génération (1400-1450) : Fra Angelico (ca. 1387-1455), Paolo Uccello (1397-1475), Masaccio (1401-1428), Piero della Francesca (ca. 1420-1492), Andrea del Castagno (ca. 1423-1457), Mantegna (ca. 1431-1506), Giovanni Bellini (ca.1430-1516) à Venise.
– à la deuxième génération : Botticelli (1445-1510) et Ghirlandaio (ca. 1458-1497) à Florence, et Perugino (ca. 1445-1523) à Rome.

Dans l’œuvre de Donatello, l’intellectualisme de l’esprit florentin va s’affirmer pour la première fois. La statue de Saint Marc (1411-1413) pour l’église Or San Michele de Florence est la première statue qui capture parfaitement l’idée et le sentiment du contrapposto classique. C’est la représentation d’un saint de chair et de sang, digne de foi.

Bien que dans la sculpture et l’architecture, la Renescita soit nettement instaurée par Donatello (1386-1466), Brunelleschi (1377-1446) et Ghiberti (1378-1455), ce n’est que dix ans après la création du St. Marc (1411-13) de Donatello, que Masaccio (1401-1428) va introduire ce style nouveau dans l’art de la peinture. Son oeuvre traduit une connaissance profonde de l’anatomie comme on n’en avait plus vu depuis l’art antique. Ses drapés se lovent le long des corps, et non plus en des plis statiques, comme on le voit aussi dans le Gothique tardif. Chez Masaccio, La Trinità (1425-28) faite pour la Santa Maria Novella de Florence, nous parle, comme dans l’oeuvre de Brunelleschi d’un univers harmonieux régi par des proportions divines.

Masaccio a peint la scène de telle manière que les lignes se rejoignent en un point central. Les pilastres, les colonnes et la voûte témoignent de l’attention renouvelée pour l’architecture classique et est l’illustration parfaite de la fascination des peintres florentins pour la perspective linéaire. Au début du 15ième siècle, l’attention est surtout dirigée vers la relation de la figure avec l’espace qui l’entoure.

Après Masaccio il n’existe plus d’unité dans les styles. Les artistes se divisent en deux groupes : les conservateurs qui restent fidèles au style Gothique international, aussi bien dans la mentalité que dans le style, comme par exemple Fra Angelico pour lequel Savonarole avait beaucoup d’admiration, et les progressifs qui étaient plus concernés par l’art que par la religion. Les recherches des progressifs se dirigent vers l’aspect formel de la peinture, elles témoignent d’une aspiration vers une certaine forme de réalisme ainsi que d’une attention évidente pour le lien de l’homme avec la nature.

La Haute Renaissance

Pendant la Haute Renaissance (Cinquecento), 1490-1530, Rome deviendra le centre culturel de l’Europe, sous le mécénat des papes Julius II (1503-13) dit Le guerrier et Léon X, fils de Laurent le Magnifique, le 215ième pape qui règne de 1513 à 1521. A propos de Léon X, Erasme fait la remarque que la monarchie du pape à Rome est une pestilence pour la Chrétienté. La fin de ce règne mènera à la sécession protestante.

L’art de la Haute Renaissance est un art synthétique, ceci au contraire de l’art du Quattrocento qui est plutôt analytique. Toujours en comparaison avec l’art du Quattrocento, l’art du Cinquecento est plus pondéré et plus grave de caractère. C’est le siècle d’or de l’art Italien sous l’influence du néoplatonisme. La peinture connaît une évolution extrêmement rapide. La plupart des artistes –à l’exception de Michel Ange (1475-1564)– se consacrent à la peinture. L’artiste est à la recherche de l’homme idéal.

Leonardo da Vinci (1452-1519) lui, a de toute sa vie, peu peint. Heureusement nous possédons de lui les innombrables dessins des carnets de croquis. L’emploi du sfumato, développé par Leonardo, offrait à l’artiste l’expression des ombres atmosphériques subtiles obtenues par l’emploi de la peinture de l’huile. Un mode de traitement de la lumière et de l’image qui ne pouvait être atteint par l’emploi de la tempera à base d’œuf qui était d’usage à l’époque. Fasciné par l’anatomie, l’architecture, la physique et la navigation aérienne, Leonardo acheva très peu de toiles.

Raphaël (1483-1520) travaillait comme archéologue pour Léon X à Rome. A côté de Michel Ange il a peint les stanzas du Vatican. Sa peinture montre une ligne coulante, ruisselante. Il se montre maître dans l’expression de la douceur d’esprit féminine au travers de l’expression de ses madones. Homme ambitieux et productif, Raphaël est considéré comme l’un des plus grands dessinateurs de l’art occidental.

Le fresque l’Ecole d’Athènes de la Stanza della Segnatura, a été considéré longtemps comme le chef-d’oeuvre de Raphaël. La précision géométrique et la grandeur spatiale, l’équilibre de la composition, l’intention et l’attitude caractéristique de chaque individu représenté font de cette fresque l’expression de l’idée et des principes de la Haute Renaissance. En outre, le rôle important de l’architecture dans cette composition changera l’optique de la peinture pour toujours.

Pinturicchio (1454-1513) assistait Perugino (ca.1445-1523) dans la création des fresques pour la Chapelle Sixtine, et sera engagé par la famille Della Rovera. Pinturicchio et Raphaël sont des élèves de Perugino. Leur œuvre est influencée par son style et sa vision : des compositions sobres, des figures élégantes d’attitude plutôt languissante. Andrea del Sarto (1486-1530) a étudié chez Piero di Cosimo (1461-1521). La peinture de Andrea del Sarto est très sereine et noble.

Giorgione (ca.1477-1510), sans doute le plus remarquable représentant du style pictural vénitien, est surtout connu par L’orage, une oeuvre dont la signification n’a pas encore été dévoilée. Mais ma toile préférée est la Venus dormante peinte en 1510, l’année de sa mort. Il est considéré comme le peintre le plus mystérieux de la peinture occidentale.

Bien que la peinture de paysage se développe beaucoup plus tard, elle est quelque part tributaire de l’art vénitien. Titien (1489-1576), peintre de cour de Philippe II en Espagne a, de par son emploi de couleurs luxuriantes, abondantes, ses compositions théâtrales et sa vision picturale extraordinaire, influencé des peintres comme Rubens et Vélasquez. A la fin de sa vie il développera un style libre et affranchi de la forme, qui semble porter en soi le germe de l’impressionnisme.

L’art italien rayonne vers les cours de France, surtout à partir du règne de François Ier. Sous son mécénat, de 1515 à 1547, les artistes italiens seront invités à travailler en France comme e.a. Leonardo, Francesco Primaticcio (1504-1570) et Rosso Fiorentino (1495-1540) aussi connu sous le nom de Giovanni Batista di Jacopo. Rosso, Primaticcio et Fiorentino ont décoré le Palais de Fontainebleau. Elève de Giulio Romano (ca.1499-1546) Primaticcio achevait les stuccos pour la chambre de la Duchesse d’Etampes à Fontainebleau. Influencé par Parmigianino (1504-1540), Primaticio aspirait à une grâce extrême et à l’élégance. Des corps féminins longs et minces parent et décorent des médaillons. Avec les figures allongées de Rosso, ils constituent les chefs d’oeuvres de l’Ecole de Fontainebleau.

La Renaissance Tardive, le Maniérisme

La Maniérisme, à la manière de, (du latin manuaris de façon manuelle s’entend) dans sa tentative de peindre comme, où même de dépasser les maîtres Raphaël, da Vinci, Michel Ange, d’arriver à la perfection, de toucher à l’ultime beauté, le Maniérisme donc, veut dépasser le naturel. Le style se développera dans une période d’inquiétude politique, de pestilence, d’hérésie et de flagellants, dans une société labile. Ses origines historiques se placent dans la prise et le saccage du palais papal, le Sacco di Roma de 1527, le renversement de l’ancienne constitution démocratique de l’Etat libre de Florence en 1530 et l’instauration de l’absolutisme de Charles V, que l’on retrouve dans le règne des Medici. En ce qui concerne Florence, les événements politiques ont résulté en un changement structurel permanent de la vie culturelle. Mais aussi à Rome se fait jour une transformation dans les arts picturaux et dans l’architecture qui mènera vers le maniérisme de la Renaissance Tardive.

On constate dans ce style une tendance linéaire et picturale, des corps disproportionnés et tordus, des têtes petites, souvent des épaules étroites, peu de substance, une représentation fonctionnelle d’un équilibre instable à l’aide d’une palette non eurythmique, non harmonique, mais plutôt filante et surprenante. Un bel exemple en est La Madonna dal collo lungo, la madone au long cou, de Parmigianino (ca. 1532). Les premières traces du style s’annoncent dans l’oeuvre de Michel Ange, dans ses ignudi.

La césure entre la Renaissance classique et la Maniérisme se distingue clairement. C’est un style transitoire aux caractéristiques typiques. Mais la distinction se révèle moins claire à l’étude des phases initiales du Baroque.

Les grand peintres représentant ce style nouveau sont à Venise Tintoretto (ca.1518-1594) et El Greco (1541-1614), à Florence et à Rome Parmigianino. Influencés par la lumière et les couleurs de la plaine lombarde, travaillent Titien, Giorgione, Véronèse (1528-1588).

El Greco n’était guère fasciné par Michel Ange et Raphaël, mais il reprend dans son style les spécificités de Corregio (ca. 1489-1528) dans le traitement de la lumière contrastante, et de Parmigianino dans les distorsions excessives du corps humain, les compositions tumultueuses, et la pratique du maniérisme à outrance.

Le maniérisme se répandit dans toute l’Europe sous l’influence des peintres qui avaient fait le voyage en Italie. Ils visitaient non seulement Rome mais aussi Florence, Venise, Milan, Bologne, Parme et même la Sicile.

De très grande importance a été la visite de Raphaël en 1517 à Bruxelles en ce qui concerne la diffusion du style du sud. Il venait à Bruxelles pour y terminer dix cartons destinés à être développés en tapisseries. Ces cartons produisirent un choc énorme dans le milieu des tisserands et des peintres. Une telle composition théâtrale, de telles couleurs, de tels mouvements n’avaient jamais été vus aux Pays-Bas.

Suivit la visite à Bruxelles de Tommaso Vincidor (ca.1495?-1536), un élève de Raphaël, en 1520. Vincidor rencontra Dürer en Flandres et fit son portrait dont il se trouve une copie par Willem van Haecht II (1593-1637) dans la Maison de Rubens à Anvers. Vincidor est mentionné dans les registres du Château de Breda, en Hollande, où il travaillait pour Henry III de Nassau-Breda. Il y est mort en 1536.

L’atelier de Bernard van Orley (1490-1540) embrassait les nouvelles techniques venues de l’Italie. Dans la Sainte famille de Orley, peint en 1522, l’enfant Jésus achève sa course vers sa maman et initie un mouvement diagonal qui mène au travers de Marie vers le vieux Joseph. Par le groupement des figures principales il obtient symétrie et profondeur dans l’image. Sur la gauche, les deux anges assurent l’équilibre du tout, en parallèle avec la plaine ; l’un porte une couronne en or, l’autre un panier avec des fleurs.

L’enfant sert à unifier les divers éléments de la peinture. La ligne de sa jambe gauche et de son bras gauche s’allonge au travers de la tête de Joseph et sort de la toile. Il regarde la couronne qui fera de Marie la reine du Ciel, cependant que son bras droit indique la pomme dans la main de Joseph, qui est le symbole du péché qu’il est venu vaincre. Cette toile est un bijou dans l’emploi des couleurs, de la texture, la composition délicate, et l’atmosphère qui rayonne de la gradation de ces mêmes couleurs dans le paysage du fond. La tendresse avec laquelle Marie regarde son enfant témoigne de la qualité de portraitiste du peintre.

Les élèves d’Orley prirent la route de l’Italie, comme Pieter Coucke van Aelst (1502-1550), parti vers +- 1524 et de retour à Anvers en 1526, et Michiel Coxcie (1499-1592) qui apprit en Italie la technique de la fresque. Les centaines de dessins qui nous sont connus de la main de Lambert Lombard (1505-1566), parti pour l’Italie en 1537 et de retour à Liège ca.1538-9, et de nombreux autres peintres, nous permettent de suivre leur travail de copie et d’assemblage, et de procéder à une étude de l’œuvre de ces artistes nordiques dans leur périple vers le Sud. Hieronymus Cock, (ca.1510-1570) séjourne à Rome de 1546-1548. De retour à Anvers, il ouvre sa maison d’édition ‘Aux quatre vents’ et devient le premier éditeur des Pays-Bas, autre initiative de grande importance pour la diffusion de l’art fait selon ‘la nouvelle manière italienne ou antique’.

Sous l’impulsion de Bartholomeus Spranger (1546-1611), artiste flamand qui, après avoir découvert le nouveau style artistique en Italie, le développa à la cour Royale de Prague, ce style se répandit dans toute l’Europe. Spranger entretenait des contacts avec Cornelis van Haarlem (1562-1638) et Hendrik Goltzius (1558-1617). P.P. Rubens (1577-1640) rendit visite à ses confrères de Haarlem en 1613. On constate certaines similitudes dans les compositions de Goltzius et les premières œuvres d’inspiration classique de Rubens. Frans Floris I (de Vriendt) (1519-1570) implanta l’allégorie mythologique dans la peinture à Anvers. L. Guicciardini et G. Vasari le considéraient déjà comme le plus grand parmi les peintres vivant aux Pays-Bas.

D’autres chefs d’œuvres de la peinture de la Haute Renaissance sont de la main de Jacob de Backer (1545-1591), Abraham Bloemaert (1567-1651) Frans Francken II (1581-1642) Jacob de Geyn II (1565-1629), Pieter Isaacsz. (1569-1625), Karel van Mander (1548-1629) et Joachim Wtewael (1566-1638), Gillis van Cooninxloo (1544-1607)…

Le maniérisme, qui ne couvre qu’une courte période dans l’histoire de l’art et rayonne du sud vers le nord, s’est vu noyé et submergé par le Baroque, style de réforme et contre-réforme et moyen de propagande pour l’autoritas ecclisia, et dans une époque également de spettacoli grandiosi. Les artistes sont relégués dans l’oubli et ne peuvent espérer que peu de reconnaissance des générations suivantes. Il faudra longtemps avant que le maniérisme ne retrouve considération.

Et ce sera de nouveau à Florence que l’impulsion sera donnée pour un style nouveau. Dans la même église où Brunelleschi avait construit la Vieille sacristie, qui porte déjà le germe d’une esthétique pré-renaissance, Michel Ange conçut cent ans plus tard la Nouvelle Sacristie avec le monument funéraire des Medici et, à l’étage supérieur, sa Biblioteca Laurenziana (1519-1534). Michel Ange fut mandé à Rome par Paul III et il y réalisa jusqu’à sa mort une série de commandes picturales et sculpturales qui prolongea l’intrusion du Baroque commencée à Florence. A partir de ce moment Rome devint de facto le centre du Baroque et elle va assurer la prédominance du stil nuovo dans toute sa gloire.

Vera Lewijse, Février 2005

Claudio Parmiggiani, l’empreinte comme signe de l’absence

C’est dans une ambiance très calme et sobre que Claudio Parmiggiani s’expose à la galerie Pascal Retelet. Si l’exposition ne présente que trois œuvres de l’artiste, celles-ci reflètent sa singularité dans le petit monde de l’art actuel. Ces  trois tableaux de grand format viennent nous signifier l’absence par des grandes ombres lumineuses.

Ces formes fantomatiques ne sont le résultat d’aucunes interventions manuelles directes. L’artiste a disposé des objets dans une pièce puis, il a allumé un feu au centre. Une épaisse fumée noire se dégage et vient alors maculer toutes les surfaces. Une fois la combustion terminée, l’œuvre apparaît. Elle est le résultat d’une démarche volontaire de l’artiste et des lois du hasard. Les empreintes lumineuses symbolisent la vie de l’homme dont le départ laisse des traces.

A partir de cette technique complexe au résultat troublant et très symbolique, Claudio Parmiggiani nous raconte la vie en une seule image. Cette empreinte synthétise à elle seule la destinée humaine : la vie et la mort, la présence et l’absence, elle donne à voir ce qui fut et ce qui est. Cette empreinte cristallise les différentes notions de temps. Un corps humain qui à un moment donné s’est laissé piéger par la suie pour ensuite disparaître, s’en aller. Comment ne pas penser à Pompéi et à ces corps capturés par la lave ou à ces mains qui ornent les grottes de Lascaux ?

Depuis la nuit des temps, l’homme laisse son empreinte pour signifier sa présence comme sur les parois des grottes préhistoriques. Dans l’art contemporain, Yves Klein s’est aussi intéressé à l’empreinte. Comment signifier la présence par l’absence même ? Comment témoigner de son passage à un moment donné dans un lieu précis?

L’empreinte fascine par l’ambiguïté qui lui est intrinsèquement liée. Elle nous montre quelque chose, quelqu’un qui a été mais qui n’existe plus que par cette empreinte. C’est le témoignage de la vie mais aussi de la mort, elle nous raconte la vie capturée à un moment donné. Elle nous montre l’homme qui accède à la lumière.

Claudio Parmiggiani qui vit et travaille à Turin est un artiste italien qu’on espère revoir bientôt et dans une exposition de plus grande envergure afin de rendre hommage à son talent mais aussi à sa singularité dans le paysage artistique contemporain. Sa démarche personnelle rentre difficilement dans un quelconque carcan stylistique. Proche d’une certaine figuration tout en utilisant une technique très aléatoire qui le lie avec une tendance de l’art abstrait, Parmiggiani ne rentre pas dans le rang.

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L’original et l’oeuvre numérique

Traditionnellement, outre sa qualité et son auteur, l’un des éléments de l’appréciation de la valeur économique d’une oeuvre, est son originalité. Non pas en tant qu’extraordinarité mais en tant qu’unicité et authenticité. L’acheteur est assuré de la jouissance exclusive de son bien, car nulle part il ne peut trouver un double de celui-ci. Une copie n’a aucune valeur du fait même de sa nature et ce même si elle corrige les imperfections de l’original.

La copie n’est jamais parfaite ce qui permet à l’expert de la distinguer de l’original et de la désigner à l’opprobe. Tant que la technique artisanale employée ne permet pas la reproduction parfaite, et permet le distingo, cette conception de l’original d’un tableau ou d’un dessin est possible.
A l’heure de la reproductibilité technique, comme le dit Walter Benjamin, le problème est plus pointu. Quelle est la statue originale lorsqu’on la produit par coulée dans un moule ré-utilisable? Pour chaque sculpture on peut légalement fabriquer huit bronzes originaux, et cinq épreuves d’artistes. Seuls les tirages supplémentaires doivent être marqués comme étant des reproductions. Lorsque l’on se trouve face à une oeuvre numérique, la notion même d’oeuvre originale disparaît. Certains s’interdisent d’apprécier une oeuvre imprimée, ne peuvent pas se prononcer, car il faut qu’elles voient l’original. Mais ici, l’original est un simple fichier, une collection de 0 et de 1 savamment agencés. Que ce fichier soit affiché sur un écran, dont le rendu des couleurs, la résolution, la taille varient, qu’il soit imprimé, la perception que nous en avons n’est jamais “l’original”, et fluctue. Pour faire un parallèle avec la photographie di le fichier est en quelque sorte le négatif, et l’image perçue, sur écran ou sur papier, un tirage.

On constate aujourd’hui une approche qui tend à vendre des oeuvres numériques tout en assurant à l’acheteur la possession pleine et entière de l’oeuvre. L’acheteur repart avec un tirage, et un disque contenant le fichier ayant servi à obtenir le tirage. Au passage, on indique à l’acheteur qu’aucune copie n’a été faite, et que la pérénité de son investissement est assurée puisqu’il peut retirer l’oeuvre à partir du fichier, si l’impression qu’on lui a donnée ne résiste pas au temps. La qualité de l’oeuvre s’évalue en termes de “poids”. Telle oeuvre occupe 150 méga octets, ce qui se voudrait un gage de qualité.

Comment l’artiste peut-il concilier la pratique de son art en employant la technologie numérique, et la poursuite de pratiques commerciales tradionnelles ? Il nous semble que la vente d’oeuvres numériques doit passer par un vecteur de communication moderne, et qu’on ne peut pas transformer les galeries en vendeurs de disques numériques et posters. La vente sur Internet pourrait se faire par simple mesure d’audience, en redistribuant les gains des opérateurs télécoms aux sites produisant du traffic et en sollicitant des dons de la part du consommateur, comme un mécénat de masse.